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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

jeudi 31 mars 2016

La mort d´Imre Kertész.

Le grand écrivain hongrois Imre Kértesz, né à Budapest le 9 novembre 1929, est mort aujourd´hui dans la même ville des suites d´une longue maladie. Romancier, essayiste et diariste, survivant juif d´Auschwitz, il était l´auteur d´une oeuvre immense composée de titres comme Être sans destin, Le refus, Liquidation, Dossier K  ou  L ´Ultime Auberge, publiés en français chez Actes Sud.
Je lui ai consacré un article en janvier 2011(chronique mise en ligne le 29 décembre 2010), après la parution de son livre Journal de Galère,  que vous pouvez retrouver dans les archives de ce blog.

lundi 28 mars 2016

La chronique d´avril 2016.



 La poésie contre la  terreur.

 «Esprit pessimiste et décadent», «obscurantiste morbide» et «auteur d´écrits bourrés d´érotisme, de tristesse, d´angoisse, de mysticisme, d´idées de mort et de prédestination». Ces phrases que vous venez de lire ne sont qu´un échantillon des innombrables épithètes dont le rapport présenté au comité central du parti communiste soviétique en 1946, rédigé par Jdanov, a affublé Anna Akhmatova.  Sur cette immense figure de la poésie russe et européenne du vingtième siècle, Andreï Jdanov, cet idéologue en chef de Staline, a également dit qu´elle était «nonne ou putain, ou plutôt à la fois nonne et putain, mariant l´indécence à la prière». En Urss, tout ce qui dérogeait  à l´esthétique stalinienne et donc à la soi-disant pureté révolutionnaire était vitupéré et voué aux gémonies. Cependant, ceci n´a pas ébranlé Anna Akhmatova qui avait déjà été victime, par le passé, d´attitudes persécutrices et qui, en femme coriace, a toujours surmonté les écueils qui se sont dressés sur son chemin.
  Anna Andreevna Gorenko est née le 24 juin 1889  près d´Odessa, fille d´un ingénieur de la Marine et professeur de Mathématiques et d´une mère qui descendait d´un prince tatar. C´est d´ailleurs à une bisaïeule maternelle qu´elle a pris le pseudonyme tatar Akhmatova. En 1890, la famille (Anna, ses parents et ses cinq frères et sœurs) a déménagé à Tsarskoïé Siélo dans les environs de Saint-Pétersbourg. Dès 1905 et la séparation de ses parents, elle a constamment changé de domicile, mais le plus important c´est qu´elle s´était déjà forgé, à l´âge de seize ans, un tempérament fort et intrépide (qu´elle tenait, selon certains, de son sang tatar) et qui lui a permis de s´affirmer dans les milieux littéraires russes où elle est tôt devenue un des membres les plus emblématiques d´un mouvement que les historiens aiment à classer comme acméiste. Anna a été souvent surnommée «Anna de toutes les Russies», elle qui a survécu à tous ses contemporains aujourd´hui célèbres comme Blok, Goumiliov (son premier mari, fusillé en 1921), Mandelstam (mort en déportation), Maïakovski, Pasternak (victime du procès que l´on sait) ou Marina Tsvetaïeva (qui s´est suicidée en 1941). Quand elle est morte le 5 mars 1966, Anna Akhmatova, avait déjà été réhabilitée et réintégrée dans l´Union des écrivains soviétiques, suite au «dégel» de l´époque Khrouchtchev, et l´engouement pour son œuvre était croissant.
  La collection de poche «Poésie» de Gallimard a publié en janvier 2007, quelques mois après le quarantième anniversaire de son décès, un volume que nous récupérons ici (toujours disponible en librairie), un choix assez considérable de l´œuvre poétique d´Anna Akhmatova, sous le titre Requiem. Poème sans héros et autres poèmes, avec une présentation et traduction de Jean-Louis Backès.
  La poésie d´Anna Akhmatova est essentiellement lyrique et autobiographique et parfois elle acquiert des contours qui la rapprochent même de la poésie populaire. Akhmatova est- on l´a écrit plus haut- un des noms les plus importants du courant acméiste, une forme de «réalisme» qui fait abstraction de toute correspondance symbolique. Ce mouvement littéraire fut créé au début du vingtième siècle justement en réaction contre l´esthétisme du symbolisme (surtout contre le mysticisme des poètes symbolistes). Outre Akhmatova, Mandelstam, Kouzmine  Goumilev et Gorodetski en ont été les noms les plus emblématiques.. Pour les acméistes, l´œuvre d´art appartient tout entière au monde sensible dont il faut surtout aimer la merveilleuse existence : l´existence de l´être humain et des réalités de son cœur (c´était surtout la perspective d´Akhmatova), des monuments de la culture universelle, des villes et des cathédrales, des plantes, des fleurs, des animaux sauvages, des forces de la nature. Il y a eu trois manifestes acméistes : celui de Goumilev, un autre de Gorodetski, publiés tous les deux en 1913 dans le premier numéro de la revue Apollon, et finalement celui de Mandelstam, «Le matin de l´acméisme» qui n´a vu le jour qu´en 1919.
 Akhmatova poète, comme l´écrit Jean-Louis Backès dans la préface, est celle qui n´oublie pas. Aussi le Poème sans héros, par exemple, est-il un hymne à la mémoire. Aussi nombre des poèmes de tout le recueil sont-ils des hommages à ses chers disparus surtout ceux que l´on retrouve dans «Couronne pour les morts» où le premier poème donne la mesure du malheur de sa génération : «De profundis ! Ma génération/N´a pas eu beaucoup de miel. Voici/Que seul le vent gronde dans le lointain,/Seul chante le souvenir des morts…». Des morts, dont l´écho résonne encore dans sa mémoire, comme dans le poème dédié à Mandelstam («…C´est la sombre, la tendre histoire/de notre jeunesse ensanglantée./J´ai respiré autrefois dans la nuit/Ce même air, au dessus du même abîme,/Dans le vide de cette nuit de fer/Où appels et cris ne servent à rien»)ou dans un autre où l´on rend hommage à Pasternak après sa mort : « La voix inimitable hier s´est tue,/Celui qui parlait aux forêts nous a quittés,/Il s´est transformé en épi qui donne la vie,/Ou en cette pluie subtile qu´il a chantée./Et toutes ces fleurs qui sont au monde/Ont fleuri pour venir rencontrer cette mort./Mais il s´est fait soudain un grand silence sur la planète/Qui porte ce nom modeste : la Terre».
 Anna Akhmatova chantait aussi l´amour. L´amour qui dans le recueil Le soir peut prendre plusieurs visages, «c´est parfois un serpent magicien, lové près du cœur», souvent «il sait pleurer si doucement dans la prière du violon» mais surtout «il fait peur quand on le devine sur une lèvre encore inconnue».
Poème sans héros (Triptyque 1940-1962), cité plus haut, outre l´importance de la mémoire, peut être vu comme une longue méditation sur les liens secrets qui unissent le passé de la Russie et son présent. Le passé c´est le début du siècle, surtout les derniers mois qui précèdent la première guerre mondiale. Comme nous le rappelle Jean-Louis Backès dans les notes : «c´est la danse sur le volcan. Une atmosphère de fête fait mal oublier l´angoisse prophétique : un jeune poète se suicide pour les beaux yeux d´une coquette ; niaiserie, mais tragique. Ce passé revient, sous forme de mascarade, dans les derniers mois qui précèdent la seconde guerre mondiale. La brillante réception à demi rêvée fait mal oublier la terreur stalinienne». Dans ce livre, il y a des strophes où les allusions aux camps sont explicites. Un des poèmes les plus courts,  Épilogue, traduit on ne peut mieux l´importance de la poésie : «Tout est en ordre : le poème/Se tait comme il convient à sa nature./Mais quand le motif se détache,/ Il frappe du poing à la vitre,-/Et l´on entend l´écho lointain/De cet appel, un bruit atroce,-/Un clapotis, un cri de rapace, une plainte,/Et l´on a vision de mains en croix».
Requiem fut longtemps un texte non écrit, confié à la seule mémoire. C´est un recueil dédié aux femmes qui, comme Akhmatova, ont fait la queue pendant des mois devant la Croix, prison de Léningrad (nom de Saint-Pétersbourg pendant la période soviétique), dans l´espoir d´apercevoir un fils, un mari ou quelqu´un d´autre qui leur fût proche.  Lev Goumiliov, fils d´Anna Akhmatova, fut arrêté à maintes reprises (y compris dans un camp) pour le seul fait que son père avait été accusé  en 1921 de complot monarchiste et fusillé illico. Ce livre est la réponse à une question posée par une femme anonyme dans la  queue devant la prison : « Et cela, vous pouvez le décrire ? Akhmatova répond : «Oui, je peux».  Un des poèmes les plus forts de Requiem est «Je parle à la mort», de 1939 : «Tu finiras bien par venir. Pourquoi pas maintenant ?/Je t´attends. Je n´en peux plus./J´ai éteint la lumière, j´ai ouvert la porte/Pour toi. Tu es simple et merveilleuse./Prends la forme que tu voudras./Sois l´obus qui casse tout et qui crache son poison./Sois le bandit furtif, qui manie bien son casse-tête,/Sois les vapeurs toxiques du typhus,/Ou bien sois cette légende que tu as forgée,/Qui jusqu´à la nausée nous est connue./Que je voie le dessus d´un bonnet bleu ciel/Et le chef d´îlot blême de peur./Tout m´est égal à présent. L´Iénisseï*/Écume, et l´étoile polaire brille./La lueur bleue de ses yeux bien-aimés,/L´effroi dernier l´obscurcit».   
  Cette femme qui a vu disparaître deux maris- Goumiliov, fusillé, et Nikolaï Pounine, historien d´art, mort en 1952 dans un camp- et assisté à la souffrance de son fils Lev (emprisonné plusieurs fois) a toujours su puiser dans la douleur le talent pour écrire des poèmes qui ont déjà enchanté plusieurs générations de lecteurs. Une voix tellurique qui ne laisse personne indifférent. Une voix qui ne s´est pas tue, malgré la mort physique d´Anna Akhmatova, le 5 mars 1966, il y a justement un demi-siècle. Une voix qui ne s´est pas éteinte, puisqu´elle vit à travers sa merveilleuse poésie.

*Iénisseï-fleuve de Sibérie.


Anna Akhmatova, Requiem. Poème sans héros et autres poèmes», présentation et traduction de Jean-Louis Backès, collection Poésie, Gallimard, Paris, janvier 2007(toujours disponible en librairie).

dimanche 27 mars 2016

La mort de Jim Harrison.

L´écrivain américain Jim Harrison  est mort d´une crise cardiaque, ce samedi 26 mars, dans sa maison de Patagonia, Arizona.
Né le 11 décembre 1937 à Grayling, dans le Michigan, il fut un temps assistant d´anglais à l´Université d´État de New York, à Stony Brook, mais il a renoncé à sa carrière universitaire. 
Il fut poète, romancier, nouvelliste(par exemple,Legends of the fall, Légendes d´automne, en français) et essayiste et il a écrit aussi- seul ou en collaboration- des scénarios pour Hollywood.
Il était un des principaux répresentants du mouvement littéraire «Nature Writing», la littérature des grands espaces. 
Son dernier roman publié fut The Big Seven(Les péchés capitaux, en français). Son dernier recueil de nouvelles The Ancient Minstrel vient de paraître. 
   

jeudi 3 mars 2016

Andreï Makine à l´Académie Française.

 
   
La nouvelle vient d´âtre annoncée et elle ne peut que me réjouir étant donné l´admiration que je porte à son oeuvre: Andreï Makine vient d´être élu à l´Académie Française. Il va occuper l´ancien fauteuil de la romancière algérienne Assia Djebar, décédée l´année dernière. Andreï Makine a été élu au premier tour. Vous pouvez relire la chronique d´avril 2013 où  j´ai écrit sur son roman La femme aimée et je vous laisse aussi le lien pour un article que j´ai écrit pour l´edition Lisbonne du «Petit Journal en 2014 sur le livre Le pays du lieutenant Schreiber.

 http://www.lepetitjournal.com/lisbonne/a-voir-a-faire/culture/179262-litterature-le-lieutenant-schreiber-un-heros-de-cette-france-qu-on-oublie-d-aimer