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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

dimanche 18 septembre 2011

Souvenir de Gil Courtemanche




Le 19 août, est décédé le journaliste et écrivain canadien Gil Courtemanche. J´étais en vacances à l´étranger et quoique consultant le Net régulièrement je n´ai appris la disparition de l´auteur de Un lézard au Congo et Un dimanche à la piscine à Kigali que quelques jours plus tard. Un mois après sa mort, en guise d´hommage, je reproduis ici un article que j´ai écrit sur Un dimanche à la piscine à Kigali pour le site de la Nouvelle Librairie Française de Lisbonne en 2006, lors de la reparution de ce roman en format de poche:

La littérature canadienne d´expression française est, en France, on le sait, tout à fait inconnue. À part Nancy Huston et, éventuellement, Michel Tremblay ou Antonine Maillet, on ignore tout de ce que l´on écrit, l´on pense ou l´on débat chez nos sympathiques, mais lointains frères ou cousins canadiens. Cette situation se produit non seulement avec la littérature, mais aussi avec toute la culture canadienne francophone, à quelques exceptions près. Pourtant, si les artistes canadiens ont du mal à s´imposer en France, les Français pourraient quand même faire un petit effort et commencer, avec l´aide miraculeuse d´Internet, à consulter de temps à autre des sites canadiens pour prendre connaissance de leur actualité littéraire. Si l´on se donnait la peine, par exemple, de jeter un petit coup d´oeil sur les sites de quelques journaux canadiens, comme, entre autres, La Presse et Le Devoir , on aurait droit parfois à la lecture de quelques articles fort intéressants.

En 2004, alors que les Américains et leurs alliés s´enlisaient déjà dans le bourbier irakien, Gil Courtemanche écrivait dans l´édition du 27 mars du quotidien Le Devoir un des articles les plus lucides sur la politique de Georges W.Bush et les raisons du soutien de ses compatriotes, intitulé «Bush, vicaire de Dieu» et que l´on peut encore retrouver dans les archives du journal (le devoir.com). Mais Gil Courtemanche n´est pas qu´un brillant journaliste, il est aussi un écrivain assez réputé.

Né en 1943 à Montréal, Gil Courtemanche est journaliste depuis plus de quarante ans. Il a notamment travaillé à Radio Canada, écrit pour La Presse , participé à la conception et à la fondation du quotidien Le Jour , collaboré à Alternatives, Le Libraire, Le Soleil, Le Droit et tient une chronique hebdomadaire au Devoir . Son dernier livre paru en France (octobre 2005, éditions Denöel) s´intitule Une belle mort, mais son livre précédent Un dimanche à la piscine à Kigali, publié une première fois en 2003, vient de reparaître, en édition de poche dans la collection Folio chez Gallimard. Ce roman a suscité un bon accueil partout où il a été traduit et pour cause puisqu´il s´agit d´une oeuvre qui vaut bien la peine d´être lue.

Bernard Valcourt, journaliste chevronné, ayant témoigné la famine en Éthiopie ou la guerre au Liban, se rend au Rwanda pour une mission des plus banales et un brin utopique : mettre sur pied un service de télévision libre. Il y découvre un pays détruit où sévissent la misère, la corruption et le sida. En toile de fond, il y a - vous l´aurez sûrement deviné - le tribalisme, la rivalité ancestrale et éternelle entre Hutus et Tutsis et la folie génocidaire qui s´est emparée de cette ancienne colonie belge et ce devant l´indifférence, dans un premier temps, de la petite colonie occidentale qui, aimait se prélasser au bord de la piscine à Kigali, la capitale. Le narrateur nous raconte le quotidien de tous les coopérants et autres qui prétendument voudraient aider au développement du pays, mais on est en droit de s´interroger s´ils s´inquiétaient vraiment, pour la plupart, du sort de la population autochtone («Autour de la piscine, des coopérants québécois rivalisent de rires bruyants avec des coopérants belges. Ce ne sont pas des amis ni des collègues, même s´ils poursuivent le même but : le développement, mot magique qui habille noblement les meilleures ou les plus inutiles intentions. Ce sont des rivaux qui expliquent à leurs interlocuteurs locaux que leur forme de développement est meilleure que celle des autres. Ils ne s´entendent finalement que sur le vacarme qu´ils créent...). Bernard Valcourt, quant à lui, est un des rares à se prendre d´affection pour ce pays et son peuple, au point de tomber amoureux de Gentille, une Hutue aux trains fins de Tutsie. Grâce à son amour pour cette belle fille, il va connaître le paradis, mais également, cela va sans dire, l´enfer, à travers les préjugés entre Tutsis et Hutus et la folie exterminatrice de leurs dirigeants.

Ce livre est, bien entendu, une oeuvre de fiction, mais Gil Courtemanche n´a pas voulu, en l´écrivant, que l´on prenne certaines scènes plus violentes pour le seul fruit de son imagination, il y a aussi là-dessus un devoir de mémoire contre l´oubli. Il en avertit d´ailleurs ses lecteurs en préambule «...Quant aux dirigeants et responsables du génocide, ils ont conservé dans ce livre leur véritable identité. Certains lecteurs mettront sur le compte d´une imagination débordante quelques scènes de violence et de cruauté. Ils se tromperont lourdement. Pour en avoir la preuve ils n´auront qu´à lire les sept cents pages de témoignages recueillis par l´organisme African Rights et publiés en anglais sous le titre de Rwanda :Death, Despair and Defiance , African Rights, Londres 1995).

Grâce à Gil Courtemanche et à d'autres comme, par exemple, Jean Hatzfeld, la mémoire du génocide rwandais ne tombera pas dans l´oubli.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Oui, la littérature canadienne d'expression française ce n'est pas seulement Michel Tremblay et Antonine Maillet. Merci de le rappeler. Vous avez lu le texte de Gil Courtemanche, «Les petits bonheurs», que Le Devoir a repris en guise d'hommage (http://www.ledevoir.com/culture/actualites-culturelles/329733/gil-courtemanche-1943-2011-les-petits-bonheurs)? Un texte puissant...

Fernando Couto e Santos a dit…

Merci,Madame Latrad,pour votre commentaire.
Je n´avais pas lu le texte de Gil Courtemanche repris par Le Devoir, mais je l´ai fait après avoir lu votre commentaire. En effet, c´est un article puissant d´un grand écrivain,un grand journaliste et avant tout un homme admirable.
Merci bien,Madame.