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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

mardi 27 septembre 2011

Chronique d´octobre 2011




George Orwell ou la conscience d´un intellectuel progressiste.


L´essayiste belge Simon Leys (pseudonyme de Pierre Ryckmans)qui avait défrayé la chronique en 1971 avec la publication de son livre Les habits neufs du président Mao(1), un livre prêtant à polémique et s´attaquant à bien des idées reçues concernant le Grand timonier à une époque où le maoïsme faisait encore rêver les jeunes universitaires en France et ailleurs, Simon Leys, donc, en 1984 -l´année où l´on célébrait le roman homonyme de George Orwell-, publiait un essai chez Hermann, repris par Plon et revu par l´auteur en 2006, en guise d´hommage à l´écrivain anglais intitulé Orwell ou l´horreur de la politique. Étant donné le rôle joué par George Orwell dans la vie culturelle britannique et européenne dans les années trente et quarante du vingtième siècle et son indiscutable intervention civique on est en droit de se demander : avait-il vraiment horreur de la politique ou le titre de cet essai est-il une boutade de Simon Leys ? Non, le titre n´est pas du tout une boutade de Simon Leys et l´on peut bien considérer que Orwell avait horreur de la politique telle qu´elle est conçue par certains hommes politiques et même certains intellectuels. Il tenait en horreur non seulement la politique des combines, des intérêts mesquins, celle qui fait fi des principes les plus nobles, mais aussi la politique prônée par ceux qui au nom d´un noble idéal basculent dans le totalitarisme le plus abscons et perfide.
Avec sa plume, servie par une imagination prodigieuse, George Orwell a livré, soit dans ses essais ou articles soit dans ses fictions, un combat intrépide pour la vérité, la justice et contre tous les totalitarismes.
De son vrai nom Eric Arthur Blair, George Orwell (qui n´adoptera ce nom de plume que vers 1934) naît le 25 juin 1903 à Motihari (actuel Bihar) en Inde, fils de Richard Walmesley Blair, un fonctionnaire de l´administration chargé de la régie de l´opium, et d´Ida Mabel Blair. L´année suivante, sa mère décide de rentrer en Angleterre avec son fils Eric Arthur et une de ses sœurs. Quoiqu´issu de la bourgeoisie anglaise, plutôt aisée par rapport au commun des citoyens, George Orwell doit bénéficier d´une bourse pour pouvoir s´inscrire dans des écoles huppées, d´abord St Cyprien, puis au collège d´ Eton où il a pour un temps assez bref comme professeur de français-en remplacement du titulaire parti à la guerre en 1917- Aldous Huxley, le futur grand écrivain, auteur de Brave New World( Le meilleur des mondes). Sir Steven Ruciman, condisciple d´Orwell, tout en reconnaissant les qualités de Huxley et le goût des mots qu´il a transmis aux élèves, n´en considérait pas moins que Huxley avait du mal à se faire respecter par les élèves, ce qui exaspérait Orwell qui trouvait assez cruel le comportement de ses condisciples à l´égard de leur professeur. Après avoir achevé ses études, George Orwell, en épousant une vieille tradition familiale de service à la couronne britannique, part en Birmanie où il devient sergent de la police impériale de Birmanie. Ces années ennuyeuses lui dessillent en quelque sorte les yeux quant au bien-fondé de la politique coloniale. Non seulement elles lui inspirent son essai A hanging(La pendaison) et plus tard le roman Burmese days(Une histoire birmane), mais elles servent surtout à ce qu´ Orwell puisse consolider sa véritable vocation d´écrivain et s´ouvre la voie à la dénonciation des méfaits de l´impérialisme britannique. En rentrant de Birmanie en 1927, il annonce à sa famille qu´il va désormais se consacrer exclusivement à l´écriture. L´état d´esprit d´Orwell quand il abandonne son métier en Birmanie, c´est lui-même qui le confiera à ses futurs lecteurs dans son essai de 1937 The road to Wigan Pier(Le quai de Wigan)et que je me permets de reproduire ici, me servant de la traduction qu´en a faite Simon Leys dans son livre Orwell ou l´horreur de la politique que j´ai cité plus haut : «J´étais conscient d´une écrasante culpabilité qu´il m´allait falloir expier(…).Je sentais qu´il fallait non seulement que je rejette l´impérialisme mais aussi bien toutes les formes de domination de l´homme par l´homme».
C´est effectivement après son retour de Birmanie que George Orwell s´intéresse aux conditions de vie et de travail de la classe ouvrière et prend forme dans ses écrits (des essais ou des articles) son adhésion croissante aux idées socialistes, des idées ici ou là teintées d´un brin d´anarchisme. Down and out in London and Paris (Dans la dèche à Londres et à Paris), publié en 1933, signale l´adoption du pseudonyme George Orwell et traduit l´expérience de ses vagabondages dans ces deux grandes métropoles européennes où il a suivi de près le quotidien des plus démunis et des clochards. Le livre fait l´objet de commentaires fort élogieux mais les ventes sont plutôt médiocres.
En 1936, un événement majeur bouleverse la vie politique en Europe. Le 18 juillet un putsch de militaires- Francisco Franco en tête - déclenche la guerre civile espagnole. Boudés par les démocraties anglaise et française, les républicains espagnols ne peuvent compter que sur le soutien de l´Urss et celui de nombre d´intellectuels européens et américains qui regroupés autour par exemple des Brigades Internationales participent aux combats en défense de la démocratie contre les fascistes espagnols soutenus par Hitler et Mussolini. George Orwell rejoint les milices du Poum(parti ouvrier d´unification marxiste), une organisation marxiste qui avait pourtant critiqué les Procès de Moscou et n´était donc pas vue d´un bon œil par les communistes pro-staliniens. De ce fait, la rivalité entre ces deux organisations, affaiblit le camp républicain. Le Poum, accusé à tort d´être trotskiste, est particulièrement fort en Catalogne et à la faveur de sa participation aux «troubles de mai» qui l´oppose au gouvernement catalan et aux forces du Psuc (parti socialiste unifié de Catalogne), pro -soviétique, le mouvement est déclaré illégal et nombre de ses membres arrêtés, voire fusillés. George Orwell doit s´enfuir pour ne pas être lui aussi détenu. En rentrant en Angleterre, indigné par la propagande des communistes staliniens qui affublaient de fascistes les partisans du Poum, il décide de rétablir la vérité et rédige Homage to Catalonia(Hommage à la Catalogne, traduit aussi comme Catalogne libre)en 1938.
Alors qu´un vent de haine souffle sur l´Europe et un conflit à l´échelle mondiale se profile à l´horizon, George Orwell compte parmi ceux qui, dans un premier temps, ne voient pas dans la perspective d´une nouvelle guerre une solution aux problèmes sociaux et politiques de l´époque. Pour lui, la guerre ne ferait que renforcer les impérialismes qui gangrenaient le monde et desservirait la cause progressiste et ouvrière. Pourtant, il se rend compte petit à petit qu´il n´y aurait pas d´autre issue et qu´une seconde guerre mondiale serait inévitable. Il met alors sa plume et sa voix au service de la démocratie et de la liberté. The Tribune (journal de la gauche radicale), The New Stateman, The Observer, Evening Standard ou Manchester Evening News sont quelques-uns des titres de presse pour lesquels il écrit. En 1940, il s´engage dans la Home Guard, la milice de volontaires organisée par l'État et créée dans le but de résister en cas d´invasion nazie en Grande-Bretagne, et en 1941 il est producteur à la BBC et participe à la diffusion d´émissions culturelles et commentaires de guerre à destination des Indes. Cet engagement a suscité des commentaires intéressants de ses biographes, repris par Simon Leys dans son essai. Cyril Connolly produit les assertions qui suivent : «Orwell s´ajusta à la guerre exactement comme on enfile un confortable vieux veston de tweed(…). Il se sentait merveilleusement chez lui au milieu du Blitz, parmi les bombes, l´héroïsme, les décombres, le rationnement, les sans-logis, les signes précurseurs d´un mouvement révolutionnaire.» Ces assertions nous renvoient à une question cruciale de l´engagement civique d´Orwell. Il croit qu´en même temps que l´Angleterre viendra à bout des dictatures fascistes, on pourra jeter au pays les bases d´une véritable révolution sociale, une révolution qui s´impose et dont les plaies de la guerre ne font qu´en démontrer l´urgence au regard des inégalités croissantes entre les ouvriers et les milieux les plus aisés. Ces inégalités, même la guerre n´a pas pu les effacer.
Un autre commentaire qu´il me paraît utile de reproduire est celui de Bernard Crick qui dresse une comparaison que je ne puis passer sous silence entre George Orwell et Winston Churchill : «Orwell comme Churchill ressemblait plus à un républicain de la Rome antique qu´à un libéral moderne : les privations autant que l´excitation de la guerre le séduisaient positivement.». En effet, de même que Churchill évoque le sacrifice qu´il fallait consentir pour vaincre la guerre, de même Georges Orwell est fasciné par le courage physique et l´esprit de corps, quoique leurs opinions politiques fussent assez divergentes.
Après la fin de la guerre, Orwell poursuit son combat-à travers son arme la plus affûtée, sa plume-pour une société plus juste et équitable. C´est à cette époque qu´il publie ses deux romans les plus emblématiques, ceux qui l´ont rendu célèbre et qui en quelque sorte sont à l´origine de l´adjectif «orwellien» : Animal Farm(La ferme des animaux), paru en 1945 et 1984 qui a vu le jour en 1949. Ce sont ses deux chefs-d´œuvre, les livres où son imagination atteint les sommets. Il y dénonce, par le biais de deux fables prodigieuses, les dérives totalitaires engendrées par des utopies qui, portées à un degré aussi haut d´incandescence, versent dans la perversité.
Dans Animal Farm(2), George Orwell décrit une ferme où les animaux, commandés par deux cochons (Napoléon et Boule de Neige) et secondés par un goret (Brille – Babil), se rebellent contre le fermier, M. Jones. Ils finissent par le chasser et s´emparer ainsi de la ferme. Les leaders de la contestation promettent à leurs pairs des lendemains qui chantent, une ferme d´où sera banni l´esclavage et où tous seront égaux. Toujours est-il que ces leaders exercent un pouvoir tyrannique sur les autres animaux et une des phrases les plus célèbres du roman est celle où l´on peut lire : « tous les animaux sont égaux mais certains sont plus égaux que d´autres».
Ce livre est interprété dès sa parution comme une satire de la révolution russe et une critique acerbe, bien que parodique, du stalinisme. Ceci peut expliquer la méfiance que ce roman a suscitée chez les milieux éditoriaux britanniques à un moment où il n´était pas concevable d´éreinter Staline, allié de l´Angleterre dans la lutte contre le totalitarisme nazi. Le livre fut refusé par quatre éditeurs avant d´être accepté par Secker and Warburg qui l´a pourtant publié sans la préface où Orwell se plaignait de la censure dont il avait été victime.
Dans 1984,roman considéré comme une dystopie(qui dépeint le pire des mondes, contrairement à l´utopie qui présente un monde idéal), George Orwell, inspiré par sa lecture du roman Nous Autres de l´écrivain russe Evgueni Zamiatine(3) décrit une Grande-Bretagne où se serait instauré, trente ans après une guerre nucléaire, un régime tenant du stalinisme et un peu du nazisme, où la liberté d´expression n´existe plus, où toutes les attitudes sont strictement surveillées et où la figure métaphorique de ce régime totalitaire et policier est un certain Big Brother qui s´occupe de tout le monde. Les rues sont d´ailleurs pleines d´affiches avertissant les gens que «Big Brother(Le Grand Frère) vous regarde («Big Brother is watching you»). D´autre part, l´anglais est concurrencé par la novlangue(en anglais «newspeak», une langue d´une simplification lexicale et syntaxique telle que la seule idée de critique devient impossible) et les Ministères portent des noms traduisant les idées contraires à ce que l´on est en train de promouvoir : La Paix pour la Guerre, l´Amour pour la torture et le bourrage de crâne, la Vérité pour le Mensonge. George Orwell n´a pas longtemps survécu à la parution de ce roman. Rongé par la tuberculose, il s´est éteint le 21 janvier 1950(4), à l´âge de 46 ans.
La postérité a assuré à son œuvre une place de choix dans l´histoire de la littérature anglaise tant et si bien qu´en janvier 2008,un classement des cinquante meilleurs écrivains britanniques depuis 1945, établi par le très sérieux et prestigieux quotidien anglais The Times, une véritable institution au Royaume-Uni, a placé George Orwell à la deuxième place, derrière le poète Philip Larkin. Si l´on connaît surtout ses romans, ses essais et ses articles politiques, il a également écrit des poèmes (de qualité plutôt moyenne, il est vrai) et fait de la critique littéraire où ses jugements faisaient montre d´une énorme lucidité et d´un savoir éclectique. Il a écrit sur des classiques comme Swift, Dickens, Stendhal et Conrad, mais aussi sur des contemporains comme T.S. Eliot, Evelyn Waugh, ou Julien Green. Il fut en outre un des premiers à comprendre la modernité de James Joyce. D´après Simon Leys, Orwell aurait également été- avec des livres comme Down and out in London and Paris, The road to Wigan Pier ou Homage to Catalonia- bien avant Truman Capote et Norman Mailer (je me permets d´ajouter le nom de l´Argentin Rodolfo Walsh et vous renvoyer à ma chronique de décembre 2008), le créateur du roman-sans-fiction ou de «la transmutation du journalisme en art, la recréation du réel sous le déguisement d´un reportage objectif, minutieusement attaché aux faits.»(5)
Tout récemment la parution de ses Diaries(Journaux) a jeté une nouvelle lumière sur son travail et sa vie entre 1938 et 1942, mais ce qui est parfois à l´ordre du jour, concernant Orwell, ce sont les accusations selon lesquelles il n´aurait pas été l´homme intègre que l´on croit mais au contraire un vil indicateur de police qui aurait livré aux services secrets britanniques une prétendue« liste noire» avec les noms d´une foule d´intellectuels communistes. Or, cette affaire- qui est remise sur le tapis de temps à autre par des staliniens attitrés (on dirait plutôt, des nouveaux-staliniens) -a été subvertie dans le but de porter atteinte à la mémoire de l´auteur. Ce qui s´est effectivement produit avait déjà été révélé par son biographe Bernard Crick en 1980(6). En fait, à la fin de la guerre, un département de propagande du ministère des affaires étrangères cherchait à soutenir des écrivains, journalistes et artistes qui puissent aider à contrer la propagande communiste. Dans ce cadre, Orwell a fourni, à titre privé, à son amie Celia Kirwan qui y officiait une liste de personnes qui, de par leurs engagements ou leurs sympathies communistes, n´étaient pas en mesure de collaborer dans ce projet. Les archives du ministère et les documents personnels de Celia Kirwan ne laissent planer le moindre soupçon sur cette affaire. Seules les théories de la conspiration et la culture du ressentiment nourries par les staliniens pourraient enfanter un tel mensonge.
George Orwell fut un des tout premiers intellectuels européens progressistes à saisir la perversité du stalinisme, à combattre le totalitarisme soviétique à partir d´un point de vue de gauche, et sa participation dans la guerre civile espagnole a joué un rôle décisif dans le développement de sa pensée. Si l´on peut regretter qu´une certaine droite conservatrice se soit approprié l´héritage orwellien de dénonciation des totalitarismes, en mettant pour ainsi dire sous le boisseau les critiques virulentes de l´auteur contre les inégalités sociales et les conditions de vie des couches les plus démunies de la population, on ne saurait faire l´impasse non plus sur la frilosité et la gêne d´une certaine gauche qui voit encore dans toute critique de l´expérience communiste, à fortiori stalinienne, une complicité avec «l´impérialisme bourgeois» et la droite conservatrice.
George Orwell est, sans l´ombre d´un doute, et quoi qu´on en dise, un des grands écrivains progressistes de la première moitié du vingtième siècle.
(1)Simon Leys, Les habits neufs du président Mao, collection Champ Libre, éditions Ivrea. Ce titre est également disponible dans le volume Essais sur la Chine de la collection Bouquins aux éditions Robert Laffont.
(2) Le livre a d´abord été traduit en français en 1947 sous le titre Les animaux partout, puis La république des animaux, en 1964, et finalement La ferme des animaux en 1981(éditions Champ Libre).
(3)Traduction française aux éditions Gallimard (collection L´imaginaire).
(4) Je laisse ici une note personnelle et sentimentale que les lecteurs comprendront à coup sûr. C´est aussi un 21 janvier, mais de l´année 1980, qu´est mort, dans un accident de voiture à Lisbonne, Couto e Santos, journaliste sportif et, avant tout, mon père. Je n´ai pu m´empêcher de penser à lui en écrivant ces lignes.
(5)Orwell ou l´horreur de la politique (page 22).
(6)Bernard Crick, George Orwell, a life, Penguin Books, 1980, puis 1992. La traduction française est disponible chez Flammarion.

dimanche 18 septembre 2011

Souvenir de Gil Courtemanche




Le 19 août, est décédé le journaliste et écrivain canadien Gil Courtemanche. J´étais en vacances à l´étranger et quoique consultant le Net régulièrement je n´ai appris la disparition de l´auteur de Un lézard au Congo et Un dimanche à la piscine à Kigali que quelques jours plus tard. Un mois après sa mort, en guise d´hommage, je reproduis ici un article que j´ai écrit sur Un dimanche à la piscine à Kigali pour le site de la Nouvelle Librairie Française de Lisbonne en 2006, lors de la reparution de ce roman en format de poche:

La littérature canadienne d´expression française est, en France, on le sait, tout à fait inconnue. À part Nancy Huston et, éventuellement, Michel Tremblay ou Antonine Maillet, on ignore tout de ce que l´on écrit, l´on pense ou l´on débat chez nos sympathiques, mais lointains frères ou cousins canadiens. Cette situation se produit non seulement avec la littérature, mais aussi avec toute la culture canadienne francophone, à quelques exceptions près. Pourtant, si les artistes canadiens ont du mal à s´imposer en France, les Français pourraient quand même faire un petit effort et commencer, avec l´aide miraculeuse d´Internet, à consulter de temps à autre des sites canadiens pour prendre connaissance de leur actualité littéraire. Si l´on se donnait la peine, par exemple, de jeter un petit coup d´oeil sur les sites de quelques journaux canadiens, comme, entre autres, La Presse et Le Devoir , on aurait droit parfois à la lecture de quelques articles fort intéressants.

En 2004, alors que les Américains et leurs alliés s´enlisaient déjà dans le bourbier irakien, Gil Courtemanche écrivait dans l´édition du 27 mars du quotidien Le Devoir un des articles les plus lucides sur la politique de Georges W.Bush et les raisons du soutien de ses compatriotes, intitulé «Bush, vicaire de Dieu» et que l´on peut encore retrouver dans les archives du journal (le devoir.com). Mais Gil Courtemanche n´est pas qu´un brillant journaliste, il est aussi un écrivain assez réputé.

Né en 1943 à Montréal, Gil Courtemanche est journaliste depuis plus de quarante ans. Il a notamment travaillé à Radio Canada, écrit pour La Presse , participé à la conception et à la fondation du quotidien Le Jour , collaboré à Alternatives, Le Libraire, Le Soleil, Le Droit et tient une chronique hebdomadaire au Devoir . Son dernier livre paru en France (octobre 2005, éditions Denöel) s´intitule Une belle mort, mais son livre précédent Un dimanche à la piscine à Kigali, publié une première fois en 2003, vient de reparaître, en édition de poche dans la collection Folio chez Gallimard. Ce roman a suscité un bon accueil partout où il a été traduit et pour cause puisqu´il s´agit d´une oeuvre qui vaut bien la peine d´être lue.

Bernard Valcourt, journaliste chevronné, ayant témoigné la famine en Éthiopie ou la guerre au Liban, se rend au Rwanda pour une mission des plus banales et un brin utopique : mettre sur pied un service de télévision libre. Il y découvre un pays détruit où sévissent la misère, la corruption et le sida. En toile de fond, il y a - vous l´aurez sûrement deviné - le tribalisme, la rivalité ancestrale et éternelle entre Hutus et Tutsis et la folie génocidaire qui s´est emparée de cette ancienne colonie belge et ce devant l´indifférence, dans un premier temps, de la petite colonie occidentale qui, aimait se prélasser au bord de la piscine à Kigali, la capitale. Le narrateur nous raconte le quotidien de tous les coopérants et autres qui prétendument voudraient aider au développement du pays, mais on est en droit de s´interroger s´ils s´inquiétaient vraiment, pour la plupart, du sort de la population autochtone («Autour de la piscine, des coopérants québécois rivalisent de rires bruyants avec des coopérants belges. Ce ne sont pas des amis ni des collègues, même s´ils poursuivent le même but : le développement, mot magique qui habille noblement les meilleures ou les plus inutiles intentions. Ce sont des rivaux qui expliquent à leurs interlocuteurs locaux que leur forme de développement est meilleure que celle des autres. Ils ne s´entendent finalement que sur le vacarme qu´ils créent...). Bernard Valcourt, quant à lui, est un des rares à se prendre d´affection pour ce pays et son peuple, au point de tomber amoureux de Gentille, une Hutue aux trains fins de Tutsie. Grâce à son amour pour cette belle fille, il va connaître le paradis, mais également, cela va sans dire, l´enfer, à travers les préjugés entre Tutsis et Hutus et la folie exterminatrice de leurs dirigeants.

Ce livre est, bien entendu, une oeuvre de fiction, mais Gil Courtemanche n´a pas voulu, en l´écrivant, que l´on prenne certaines scènes plus violentes pour le seul fruit de son imagination, il y a aussi là-dessus un devoir de mémoire contre l´oubli. Il en avertit d´ailleurs ses lecteurs en préambule «...Quant aux dirigeants et responsables du génocide, ils ont conservé dans ce livre leur véritable identité. Certains lecteurs mettront sur le compte d´une imagination débordante quelques scènes de violence et de cruauté. Ils se tromperont lourdement. Pour en avoir la preuve ils n´auront qu´à lire les sept cents pages de témoignages recueillis par l´organisme African Rights et publiés en anglais sous le titre de Rwanda :Death, Despair and Defiance , African Rights, Londres 1995).

Grâce à Gil Courtemanche et à d'autres comme, par exemple, Jean Hatzfeld, la mémoire du génocide rwandais ne tombera pas dans l´oubli.

Le centenaire de la naissance de William Golding



Demain, on signalera le centenaire de la naissance de l´écrivain anglais William Golding. Né le 19 septembre 1911 à Perranarworthal, Cornwall(Cornouailles en français), il s´est fait connaître du grand public vers 1954, lors de la parution de son roman Lord of the flies(Sa majesté des mouches), son titre le plus connu. Ses romans traitent pour la plupart du mal, de l´opposition entre la barbarie et la raison et réfutent en quelque sorte les thèses rousseauistes et le mythe du bon sauvage. En 1983, il s´est vu décerner le Prix Nobel de Littérature. Il est mort dans son village natal le 19 juin 1993. En 2008, dans un classement établi par le quotidien The Times sur les cinquante meilleurs écrivains britanniques depuis 1945, William Golding occupait la troisième place derrière Philip Larkin et George Orwell.