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Féru de littérature française et étrangère, ma plume sévit dans diverses colonnes de journaux, de sites internet pour partager ce goût qui m´anime. Que détracteurs ou admirateurs n´hésitent pas à réagir à mes chroniques.

dimanche 26 octobre 2008

Chronique de novembre 2008



Cesare Pavese ou l´angoisse de vivre.



«Une bonne raison de se tuer ne manque jamais à personne». Que peut-on penser d´un auteur qui a écrit ces lignes ? Cesare Pavese- qui a consigné cette phrase dans son journal Le métier de vivre le 23 mars 1938- était une personnalité on ne peut plus triste, tourmentée, déchirée, angoissée, les mots manqueront peut-être pour traduire l´état d´esprit de cette écrivain majeur des lettres italiennes dont on signale cette année le centenaire de la naissance. Comme d´autres ont clamé que leur patrie était la langue, Cesare Pavese aurait peut-être dit que sa patrie était la tristesse. Pourtant, le seul moyen de surmonter cette tristesse qui semble l´avoir corrodé sa vie durant, c´était sans aucun doute la littérature.
Cesare Pavese est né le 9 septembre 1908 à Santo Stefano Belbo, un petit village de la province de Cuneo dans la région du Piémont, mais sa famille a tôt déménagé à Turin. Le jeune Cesare allait néanmoins garder dans sa mémoire les paysages dorés de sa prime enfance qui auraient éveillé chez lui une certaine nostalgie. On s´était déjà par ailleurs rendu compte, dans son entourage, qu´il était un garçon assez timide, qui lisait beaucoup, qui aimait la nature, toujours prêt à se cacher et à chercher refuge auprès des oiseaux. De son adolescence date aussi sa vocation suicidaire dont on retrouve des traces dans ses lettres, notamment celles adressées à son ami Mario Sturani. Les raisons de ce désarroi ou de ce conflit intérieur ont suscité de nombreuses interprétations de la part de tous ceux qui se sont penchés sur l´œuvre pavésienne. Pour Dominique Fernandez qui a consacré à l´auteur un brillant essai L´échec de Pavese en 1968(éditions Grasset), le repli sur soi de l´auteur serait le fruit des traumas de l´enfance (la mort précoce du père, l´univers féminin dans lequel il se trouvait plongé, le désir d´autopunition), pour d´autres, c´est le drame de l´impuissance sexuelle qui serait à l´origine de la tristesse et de la solitude qui caractérisaient Cesare Pavese, une situation que l´on pourrait aisément constater en lisant certains passages de son journal Mestiere di vivere( Métier de vivre). Quoi qu´il en soit, on ne saurait oublier que l´on peut également déceler tant chez l´œuvre que dans la personnalité de l´auteur, des signes assez contradictoires. En fait, s´il est indiscutablement attiré par la solitude, d´ordinaire il ne veut pas paradoxalement être seul. Il y a sans l´ombre d´un doute un conflit entre la vie et la littérature. Celle-ci apparaît selon Gianni Venturi, un de ses biographes, comme «l´écran métaphorique de sa condition existentielle».La littérature serait donc un moyen de régler ses conflits intérieurs. La crise des rapports entre l´art et la vie qui est également au centre de la personnalité de Pavese est une des caractéristiques du décadentisme. Aussi nombre de critiques ont-ils associé Pavese à ce courant littéraire où l´artiste peine à retrouver sa place dans le monde (et le plus souvent ne la retrouve pas du tout). Pour lui«vivre est un métier qu´il faut apprendre, mais souvent sans aucun résultat». Par contre, l´écriture était la condition essentielle du salut : «J´ai appris à écrire et non pas à vivre» ou«Quand j´écris, je suis normal, équilibré, serein».
Au sortir de l´adolescence, Pavese, dont l´influence d´ Augusto Monti- son professeur au lycée d´Azeglio à Turin- fut déterminante dans ses choix littéraires, suit un cours universitaire de langue et littérature anglaises et prépare un thèse sur Walt Whitman. Il devient professeur d´anglais, mais acquiert une certaine renommée comme traducteur d´auteurs comme Daniel Defoe, Melville, Sinclair Lewis, Joyce, John Dos Passos ou Gertrude Stein, entre autres.
L´amitié avec Giulio Einaudi le pousse à collaborer dès 1933 avec la grande maison d´ édition italienne Einaudi où il côtoie Italo Calvino et Natalia Ginzburg. Dans ces turbulentes années trente, il se prend d´amour pour une femme «à la voix rauque» qui épousera un autre, s´inscrit au parti fasciste italien sous pression familiale, mais finit expulsé et arrêté pour des activités subversives et anti-fascistes et exilé à Brancaleone en Calabre pendant huit mois. À cause de son asthme, il ne participe pas dans la seconde guerre mondiale, mais une fois terminée la guerre, il adhère au parti communiste italien.
Entre-temps, Cesare Pavese s´impose comme un nom important des lettres italiennes. En 1936 il publie Lavorare stanca(Travailler fatigue), un recueil de poésie, revu et augmenté en 1943. Dans sa poésie, on peut retrouver tous les thèmes sous-jacents à son imaginaire : la solitude, l´évasion, la volonté de s´échapper d´une vie où il ne se trouve pas à l´aise, où il se sent emprisonné. Le monde rural piémontais de son enfance avec ses collines n´est pas non plus absent de ses poèmes. Le garçon qui fuit sa maison, les vieillards et les prostituées sont des figures qui ont une place de choix dans les poèmes pavésiens puisqu´elles sont incapables de s´intégrer dans le monde des adultes qui travaillent, elles sont donc en marge de l´existence commune.
Dans les romans pavésiens, il y a tout un univers citadin qui côtoie la nostalgie du paysage rural. Cesare Pavese est à son aise parmi les marchands ambulants, les ouvriers, et tous ceux qui fréquentent les cafés, les venelles, les hôtels louches. Il en fait des personnages ou les décors de ses romans. En 1941, son roman Paese tuoi(Par chez toi),où sont présents tous ces éléments que je viens d´énoncer, a amené bien des critiques à considérer Pavese comme un des chefs de file du néo-réalisme italien, ce qui n´a pas plu à l´auteur puisque son œuvre, comme nous l´a rappelé Carlos Leite dans l´introduction à la traduction portugaise de Lavorare stanca(édition bilingue,publiée chez Cotovia, en 1998), s´éloigne du «provincialisme naturaliste inhérent à ce courant littéraire, pour le rapprocher de la conscience de la crise(et de l´ambiguïté dont elle est vécue par l´intellectuel),caractéristique de la culture et de la littérature européennes.» Toujours est-il que Paese tuoi a eu une influence décisive sur nombre d´autres romans ultérieurs se réclamant du néo-réalisme.
La spiaggia(La plage), Dialoghi con Leucò(Dialogues avec Leuco), Il compagno(Le camarade), La bella estate(Le bel été), tous parus dans les années quarante et La luna e i falò(La lune et les feux)en 1950 ont assuré la réputation de Cesare Pavese comme un des écrivains majeurs du vingtième siècle italien. Pourtant, même les prix littéraires attribués à certains livres comme le Strega en 1950 pour La bella estate n´ont jamais amenuisé l´insatisfaction de Pavese.
Le 27 août 1950, dans une chambre à Turin, Cesare Pavese se suicidait en ingurgitant une dose élevée de barbituriques. Sur la table, il laissait un dernier texte où l´on pouvait lire : «La mort viendra et elle aura tes yeux».
En 1952, son journal Il mestiere di vivere(Le métier de vivre), qu´il a tenu dès 1935 jusqu´à sa mort, était publié, et l´on a pu en ce moment-là se faire une idée plus réelle du conflit intérieur qui avait tourmenté la vie de l´écrivain.
Cette année, où l´on signale le centième anniversaire de sa naissance, des expositions, des conférences et des séminaires sur la vie et l´œuvre de l´auteur ont été promus en Italie et ailleurs. De nouvelles éditions de ses œuvres ont paru un peu partout. En Italie, Einaudi a rassemblé la plupart de ses écrits en un volume de plus de six cents pages intitulé I Capolavori( Les Chefs-d´œuvre,dont certains titres importants ont pourtant été exclus, ce qui a prêté à polémique) et en France, Gallimard en a fait de même en publiant ses Oeuvres dans la collection Quarto.
Quoi qu´il en soit, et malgré tout cet engouement des éditeurs, des libraires et des amants de l´œuvre de Cesare Pavese, nombre de lecteurs ignorent encore le nom de ce génie des lettres italiennes. Le meilleur hommage qu´on puisse lui rendre en cette année du centenaire c´est de lire son œuvre et de la faire connaître. Une œuvre exigeante et paradoxalement lumineuse d´un homme triste et solitaire.

P.S-À Libritalia(Librairie italienne de Lisbonne),les lecteurs pourront trouver un choix assez appréciable de livres de Cesare Pavese. Encore une fois, avec des moyens limités, les trois propriétaires de cette petite librairie- Barbara Marcucci, Barbara Pollastri et Paolo Balirano-honorent, avec leur travail remarquable, la langue et la culture italiennes.

Dixième anniversaire de la mort de José Cardoso Pires.



«Cardoso Pires.» C´est la réponse qu´un ami a donnée un jour à quelqu´un qui lui avait demandé s´il préférait Saramago ou Lobo Antunes. José Cardoso Pires, qui est sûrement beaucoup moins connu à l´étranger que les deux autres écrivains que je viens de citer, est pourtant l´auteur d´un œuvre immense qui n´a rien à envier à celles des deux «vedettes» de la littérature portugaise contemporaine alors qu´il est mort le 26 octobre 1998, à l´âge de soixante-treize ans, des suites d´un accident vasculaire cérébral. Le journaliste, historien et commentateur politique portugais Vasco Pulido Valente, qui ne mâche pas ses mots, écrivait hier dans les colonnes du quotidien Público que nul n´a mieux contribué que Cardoso Pires à transformer le portugais en une langue moderne, l´expurgeant de ses caractéristiques rurales, archaïques et populistes.
Parmi ses œuvres principales on se doit de citer Ballade de la plage aux chiens, Le Dauphin, L´invité de Job, La république des corbeaux, Alexandra Alpha ou De profundis : valse lente, les deux premiers titres ayant fait l´objet d´adaptations cinématographiques, par les cinéastes José Fonseca e Costa (1987) et Fernando Lopes (2001). Ses livres sont pour la plupart traduits en français chez Gallimard.
Au moment où l´on signale le dixième anniversaire de sa mort, on ne saurait passer sous silence l´évocation de cet écrivain majeur des lettres portugaises.

jeudi 9 octobre 2008

Un Nobel français:Jean-Marie Gustave Le Clézio




L´Académie suédoise vient de décerner le Prix Nobel de Littérature pour l´année 2008 à l´écrivain français Jean-Marie Gustave Le Clézio.
Né en 1940 à Nice, d´un père anglais et d´une mère bretonne issue d´une famille qui avait émigré à l´Île Maurice au dix-huitième siècle, Le Clézio est un éternel voyageur. Il a vécu dans plusieurs pays de différentes latitudes et son oeuvre traduit la richesse de ses expériences de par le monde et le brassage de cultures. Un style poétique et néanmoins sobre a fait sa réputation et traverse son oeuvre immense, composée de romans, recueils de nouvelles,contes, récits et essais. Parmi les principaux titres, on se permet de citer:Le Procès-verbal, Le déluge, Désert, Printemps et autres nouvelles, Mondo et autres histoires, Chercheur d´or, Onitsha, La quarantaine, Diego et Frida, Révolutions, L´Africain et le tout dernier Ritournelle de la faim(dont on peut regarder ci-dessus la couverture),paru le 2 octobre.
Ses livres sont tous-ou pratiquement tous-publiés chez Gallimard.
Même s´il n´est pas un de mes auteurs culte, je ne puis que saluer ce choix qui récompense non seulement un écrivain intéressant,mais aussi un esprit raffiné et un grand humaniste.
C´est le treizième écrivain français couronné(le quatorzième, si l´on ajoute à la liste des lauréats le Chinois Gao Xingjian, naturalisé français), ce qui permet à la France de conserver la première place dans cette catégorie de prix Nobel.